Hier confinés dans leurs seules fonctions de conseillers aux discours, les écrivants de l'exécutif sont aujourd'hui entrés de plain-pied dans le monde la communication politique. Cette récente visibilité ne doit cependant pas tromper. Alors que le numérique a profondément changé les manières de toucher le public, l'exposition médiatique du métier de plume s'inscrit toujours dans un rapport lettré au monde, une entreprise de différenciation répondant au recadrage journalistique de l'information et à des stratégies plus personnelles de reconversion professionnelle en dehors des seules administrations publiques et de l'univers partisan.
En offrant l'opportunité d'une participation militante plus large, les primaires ont permis de diversifier les modes d'affiliation de formations politiques en crise. Cette stratégie de renouvellement partisan n'a cependant été concédée qu'au prix d'une conversion résolument pragmatique d'appareils plus soucieux de conserver la maîtrise des règles du jeu électoral que de répondre à des enjeux de démocratisation interne.
Le développement des activités de croisement des données et l'apparition corollaire de firmes analytiques spécialisées ne semblent pas seulement avoir changé les façons d'élire et de se faire élire aux États-Unis, ils ont depuis peu aussi touché la France. Les big data politiques ne sont plus une spécificité américaine, le numérique fait désormais pleinement partie de la panoplie des obligatoires de campagnes nationales hexagonales. Dans ce cadre, cette étude se propose de comprendre comment la primaire de la droite et du centre de 2016 a servi de test « grandeur nature » à la mise en œuvre de la combinaison des analyses de data et des études d'opinion et à l'usage de la « science des données » comme moyen de mobilisation des électeurs sur le terrain en ligne et hors ligne. En soulignant la « fausse évidence » de l'avancée technique et politique promise, elle se propose également de relativiser l'engouement autour des big data pour remporter une élection.
Dans un contexte de délégitimation des partis, l'adoption et le déclenchement des primaires de 2016-2017 ont été marqués par des facteurs structurels et des éléments conjoncturels, des logiques d'imitation et des luttes politiques. À LR, d'abord contestées, elles ont été fortement cadrées, accréditant la thèse de sa performance électorale. Au PS, elles ont été plus tardives, beaucoup moins maîtrisées et consenties dans l'urgence afin de relégitimer le président sortant, soulignant le caractère irréversible du précédent de 2011. Dans les deux cas, la défaite des candidats désignés à l'élection présidentielle rappelle le caractère incertain de la primarisation du système partisan français.
Résumé Le développement d'Internet a déplacé les frontières de la participation politique. Désormais, les militants peuvent s'engager dans un parti sans nécessairement y adhérer. Cet article s'attache aux différentes étapes qui ont rendu possible la concrétisation de cet engagement 2.0. Faire du PS un e-parti impliquait de permettre en son sein l'expression de nouvelles formes de militantisme de ses membres mais également de concilier « réel » et « virtuel », c'est-à-dire d'adapter l'organisation socialiste en conséquence. Loin d'être univoque, cette lente conversion a, au contraire, été menée en fonction des stratégies et règles du jeu internes. Il apparaît alors que la numérisation de l'engagement partisan est en réalité étroitement liée à la présidentialisation de l'organisation socialiste.
La Constitution européenne est entrée avec fracas dans les boîtes aux lettres et dans les urnes. Rarement auparavant l'Europe avait nourri autant de conversations, de controverses et de conflits. Rarement auparavant les citoyens européens avaient autant parlé droit, principes, valeurs et destin communs. Rarement auparavant un texte de traité avait cristallisé autant d'espoirs et de craintes, suscité autant de prophéties et de prophylaxies, noué autant de « drames » et de « coups de théâtre ». Ce « moment constituant » marque un élargissement sans précédent des cercles sociaux désormais intéressés à l'Europe. Plutôt que de s'essayer aux jeux des « leçons » à tirer d'un échec encore incertain ou des « remèdes » à apporter à une crise toujours ambiguë, sur les voies possibles d'une relance européenne toujours d'actualité, ce livre restitue le moment constituant pour lui-même, c'est-à-dire pour ce qu'il permet de comprendre des dynamiques et des transformations à l'œuvre dans l'Union européenne. En analysant les élites, les mobilisations et les votes qui ont donné corps à ce moment d'Europe singulier, les contributions de ce livre font ainsi le portrait des différents mondes sociaux européens saisis par la Constitution. Derrière le « ballet diplomatique » officiel, ces contributions suivent la trame et la chronologie mouvante et complexe des groupes et des enceintes où se discute et où se joue le sort de la Constitution. Au sein de la Convention et des institutions de l'Union européenne, bien entendu, les premières investies dans la négociation et la rédaction du texte constitutionnel. Mais aussi parmi les univers sociaux nationaux et internationaux les plus divers, à leur tour saisis par la dynamique de politisation de l'Europe : les « eurosceptiques » et les « altermondialistes », les militants catholiques et les militants socialistes, et les électeurs français. Ces contributions retracent la genèse de réseaux transnationaux structurés autour d'enjeux aussi variés que la constitutionnalisation des traités, la société civile européenne, l'Europe des régions, l'héritage chrétien ou la critique du néo-libéralisme. Elles permettent enfin de mieux comprendre l'articulation des intérêts et des clivages, des opportunités et des investissements, bref la dynamique d'entraînement et d'intensification qui a fait de cette réforme institutionnelle un enjeu saillant.La Constitution européenne est un révélateur de la généalogie et de la géographie composite et conflictuelle des acteurs et des représentations qui font aujourd'hui l'Europe.